Actes de la conférence-débat consacrée aux difficultés d’application de l’article 63 alinéa 2 de la loi n°1448 du 28 juin 2017 relative au Droit International Privé
Publié par Ad Augusta, novembre 2023.

Conférencier : Paul Lagarde, Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Présidence : Charlotte Rochat, Associé gérant fondateur d’Ad Augusta,
Docteur en Droit, Premier Prix de Thèse

Correspondant à Paris : Charles-Henri Karsenti, Avocat à la Cour d’appel de Paris, Barreau du Val de Marne

À titre liminaire, la Présidente remercie l’ensemble des personnes présentes dans la salle et rejoignant la conférence par visioconférence, les magistrats, avocats, conseils juridiques monégasques, et l’ensemble des Etudes notariales monégasques, pour leur présence ainsi que pour leur intérêt enthousiaste pour le sujet exposé, qui pose vraisemblablement difficulté à l’ensemble des professionnels du droit de la place monégasque.

Elle remercie également les étudiants du Master 2 de DIP de la Sorbonne invités à suivre la conférence par internet.

La Présidente présente et passe la parole au Professeur Lagarde, qui après l’avoir remerciée pour son invitation et pour l’initiative de cette conférence-débat, entreprend d’exposer le contexte de création de la loi n°1448 du 28 juin 2017 relative au Droit International Privé1.

Le Professeur Lagarde revient sur le travail de genèse de la loi, aux côtés de Me Géraldine Gazo dont il rappelle la thèse et qu’il remercie pour la qualité de son travail, en regrettant son absence aux côtés de la Présidente aujourd’hui. Le Professeur rappelle le temps écoulé entre la remise du projet et le vote de la loi. Il explique que l’alinéa 2 de l’article 63 a été proposé dans la toute fin du débat, et ne faisait pas partie du rapport Gazo-Lagarde.

Le Professeur reprend ensuite les termes de la loi pour expliquer les règles en matière de loi applicable aux successions, dans le chapitre V de la loi DIP.

L’article 57 de la loi DIP pose la règle de l’application de principe de la loi du dernier domicile du défunt. Le Professeur Lagarde revient sur la différence opérée avec le règlement européen sur les successions qui a retenu la « résidence habituelle » comme rattachement de principe de la loi successorale, contrairement à la loi DIP monégasque qui retient celui de « domicile ». Le Professeur explique que le rattachement au domicile aura pour effet de favoriser l’application de la loi monégasque, puisque, selon l’article 2 de la loi DIP,  les Monégasques et tous les étrangers titulaires d’un titre de séjour sont présumés domiciliés à Monaco bénéficient d’une présomption de domicile à Monaco, sans qu’il soit nécessaire de démontrer le caractère habituel de leur résidence.

Il expose ensuite le mécanisme de la professio juris, l’option ouverte par l’article 58 qui permet au justiciable de choisir pour sa succession la loi de la nationalité qu’il détient au moment où il fait ce choix.

Le Professeur s’arrête par ailleurs sur le principe d’unité de la loi successorale, posé par l’alinéa premier de l’article 63, qui revêt une importance majeure au sein de cet édifice législatif. Le Professeur Lagarde rappelle les difficultés rencontrées avant l’entrée en vigueur de cet article et la simplification qu’il a pu engendrer – ce qui est tout à l’opposé de l’alinéa 2 dont il commence l’exégèse. La salle approuve.

Le Professeur Lagarde reprend les termes de l’alinéa 2 de l’article 63, exposant ses deux parties, que la Présidente qualifie d’ « hémistiches » :

« Toutefois, il [le droit applicable à la succession] ne peut avoir pour effet de

  1. Priver un héritier de la réserve que lui assure le droit de l’État dont le défunt a la nationalité au moment de son décès
  2. Ni d’appliquer la réserve à la succession d’une personne dont le droit de l’État dont elle a la nationalité au moment de son décès ne connaît pas ce régime »

Pour faciliter le débat, les deux hémistiches de cet alinéa seront identifiés par la suite par a, et b, mais ils ne figurent pas ainsi dans la loi.

Ainsi, l’article 63 alinéa 2 pose une exception à l’application de plein droit de la loi applicable à la succession, lorsqu’elle se heurte à la loi de la nationalité du défunt, soit en privant un héritier réservataire de la réserve prévue par le droit de la dernière nationalité, soit en appliquant la réserve à une succession qui ne l’aurait pas connue selon le droit de la nationalité.

Le Professeur propose de s’interroger pour chaque partie de cet alinéa, sur l’opportunité d’une telle disposition, pour en étudier par ailleurs les conséquences.

  1. L’hémistiche a : Le droit applicable à la succession ne peut avoir pour effet de priver un héritier de la réserve accordée par le droit de la nationalité du défunt

Paul Lagarde

Professeur émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

Charlotte Rochat

Associée Gérante
Docteur en Droit